« Multiplicité des expériences, rencontres avec des entrepreneurs⋅es passionnés⋅ées, acquisition de compétences solides et prise d’autonomie sont autant d’aspects qui me poussent à recommander l’année de césure ! »
Pourquoi avoir réalisé une année de césure au cours de ton cursus ?
Je suis étudiante en 5ème année à l’INSA Strasbourg en cursus génie civil. Avant cela, j’ai obtenu un DUT en génie civil à l’IUT Lyon 1.
Avant l’arrivée de la Covid-19 je me destinais à réaliser un parcours classique, à savoir obtenir mon diplôme d’ingénieur à la suite de cinq années d’études supérieures. Cependant mes choix ont été remis en cause quand la Covid-19 m’a forcé à annuler mon départ en échange à la Beuth Hochschule für Technik (Berlin pour le semestre d’été 2020/2021). À la suite de cette annonce, j’ai donc décidé de décaler mon semestre d’échange à l’année suivante pour effectuer une année de césure. Cela m’a paru la parfaite option puisque je ressentais le besoin d’éclaircir mes projets d’avenir. D’autant plus que le domaine du BTP me semble être très demandeur en expériences une fois diplômée.
J’ai effectué mon année de césure dans deux entreprises de maîtrise d’œuvre différentes à savoir ArtxBat et Renovoo. La première s’oriente vers des missions de maîtrise d’œuvre d’exécution (MOEX) sur d’importants projets de construction de logements tandis que l’autre gère d’avantage des projets de particuliers.
Ces deux expériences m’ont permis de cerner le métier d’un maître d’œuvre.
Missions d’une maîtrise d’œuvre ? Quelle place pour une stagiaire ?
En premier lieu, le maître d’œuvre définit le budget à prévoir en fonction des souhaits du maître d’ouvrage, conçoit les plans, assiste le maître d’ouvrage dans le choix des entreprises. Enfin il coordonne les intervenants pendant la phase d’exécution. En bref, il assiste le maître d’ouvrage de la conception du bâtiment jusqu’à sa réception.
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Comment s’est déroulée ta première expérience en maîtrise d’œuvre ?
Ma première mission en arrivant chez ArtxBat (qui s’est poursuivie sur la totalité de mon stage) a été la réalisation des Opérations Préalables à la Réception des travaux (OPR) et le suivi de la levée des réserves associées, à l’aide d’un logiciel adapté (Kaliti) afin d’assurer la réception des ouvrages. Cette mission consiste à relever toutes les non-conformités du projet, à les notifier aux entreprises exécutantes et à vérifier leur clôture. J’ai effectué cette mission sur deux projets de logements (un immeuble de 37 logements répartis sur 7 niveaux et deux immeubles de 15 logements chacun répartis sur 4 à 5 niveaux). Cette tâche m’a paru primordiale pour m’imprégner du projet et établir de bonnes relations avec les entreprises malgré son caractère rébarbatif. Ci-dessous, un extrait de la banque photo de mon téléphone portable saturée par le relevé de toutes les non-conformités ainsi qu’une illustration du logiciel utilisé (Kaliti).
Après plusieurs semaines, une relation de confiance s’est instaurée et j’ai commencé à avoir de plus en plus d’autonomie : réalisation des réunions de chantier seule, gestion des Travaux supplémentaires (TS), des Travaux modificatifs acquéreurs (TMA), signature des devis en conséquence.
Par la suite, je me suis également occupée de la livraison des deux projets (voir photo) : trois semaines durant lesquelles le maître d’ouvrage et moi recevions les acquéreurs pour leur présenter leur bien, en faire l’état des lieux, signer le procès-verbal de remise des clés (comprenant ou non des réserves). Le but étant bien sûr de leur remettre les clés d’un bien avec le minimum de réserves possible car les lever une fois le bâtiment livré demande beaucoup d’organisation, des entreprises flexibles et une bonne dose de patience. Finalement, entre les acquéreurs désagréables ou encore ceux qui cherchent à négocier le non négociable, cette phase est certainement celle que j’ai le moins appréciée.
En parallèle du suivi de chantier de ces deux projets j’ai découvert d’autres aspects de la maîtrise d’œuvre comme :
- La réalisation d’un avant-projet (AVP) pour la rénovation d’un étage de bureau à la Défense : établissement du carnet des charges, élaboration d’un carnet de plans permettant d’illustrer les solutions proposées.
- La mission de synthèse des lots clos couverts sur le projet ZAC Quartier de Seine Ouest à Asnières-sur-Seine.
- L’auto-contrôle des porteurs verticaux d’un immeuble de 25 logements suite à la défaillance de l’entreprise de gros œuvre.
Finalement, j’ai énormément appris durant ce stage. La compétence la plus importante, est le sens du relationnel que ce soit entre collègues, avec les ouvriers ou avec nos clients. Ensuite vient la capacité à gérer son stress. Je n’ai pas vraiment réussi à le maîtriser mais cela m’a au moins fait comprendre qu’une bonne organisation est la clé pour le limiter.
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Quels sont les Apports du deuxième stage ?
Mon deuxième stage était très différent du premier en termes de responsabilités. En effet, Renovoo est une petite entreprise composée de son fondateur Jean-Baptiste et un employé Fred. Deux personnes extrêmement investies dans leur travail, avec une charge de travail très importante. J’ai passé les deux premières semaines à visiter leurs différents chantiers (transformation d’un local en école de piano, rénovation totale d’une maison parisienne, rénovation légère d’un appartement parisien ou encore rénovation d’un stand dans le marché couvert de Passy Paris etc.).
Au bout de quelques semaines je me suis vue attribuer quatre chantiers :
- Reprise de la mission de maîtrise d’œuvre du chantier de transformation d’un local en école de piano en phase « DCE ». Mise en place d’un complexe acoustique basé sur le principe d’une boîte dans une autre boîte. C’était un chantier où il a fallu faire attention au moindre détail, la moindre défaillance pouvant mettre péril l’acoustique de la salle.
- Esquisse + chiffrage d’un projet pour une particulière souhaitant fusionner deux chambres de bonnes pour réaliser un T1/2.
- Mission de courtage de travaux sur un chantier de rénovation d’appartement d’environ 60m².
- Mission de maîtrise d’œuvre sur un chantier de rénovation d’appartement d’environ 120m².
J’ai donc rapidement pris beaucoup d’autonomie avec le peu de disponibilité de Jean-Baptiste qui ne pouvait pas faire autrement au vu de sa charge de travail.
Mes principales missions étaient :
- La définition et le chiffrage des projets. Je devais cerner ce que le client ou la cliente souhaitait lors de visite de chantier, élaborer des plans si nécessaire puis chiffrer l’ensemble de l’opération avec les variantes nécessaires afin de pouvoir consulter des entreprises. En parallèle, j’ai commencé à élaborer des devis types (poste, temps unitaire et prix associé) afin de gagner du temps lors des prochaines opérations.
- Trouver les entreprises avec lesquelles nous allions travailler. Je devais contacter différentes entreprises, leur présenter le projet et leur fournir le dossier du projet, puis comparer leurs offres.
- Le suivi de chantier. Si le chantier n’était pas lancé je devais m’occuper de le lancer. Cela revenait à faire un point global avec l’entreprise et s’assurer qu’elle a bien tout en tête. Ensuite une fois le chantier lancé, il s’agissait de venir régulièrement vérifier la conformité avec le cahier des charges (très important sur le chantier de l’école de musique qui comportait des spécificités acoustiques précises), vérifier le respect des délais, réaliser des devis si des postes avaient été oubliés lors du devis initial.
- En parallèle de cela, j’ai également réalisé des fiches d’auto-contrôle basiques pour chaque grand poste (cloison doublage, CFA/CFO, réseaux EF / ECS, etc.) afin de faciliter les visites sur chantier.
Nous n’avions pas de locaux donc je travaillais souvent dans mon très petit appartement étudiant (pas très idéal) et cela commençait à me peser. La fin de ce stage a donc en quelque sorte été un soulagement. Malgré certains points négatifs, j’y ai énormément appris et gagné en maturité. Je pense être maintenant capable de gérer une petite opération de rénovation de logement seule de A à Z ce qui me servira dans le futur que j’envisage.
Ton retour sur cette expérience d’une année, des conseils ?
Contre toute attente, j’ai préféré travailler dans une entreprise à taille humaine (ArtxBat) que dans une micro-structure. Le manque de méthodes et de cadre m’a beaucoup manqué. Je pense que la micro-structure est intéressante lorsque l’on a déjà les outils pour travailler et avancer en autonomie. Je ne conseille donc pas la micro-entreprise pour un quelconque stage si vous souhaitez apprendre de manière efficace.
Quant à la question, « est-ce que c’est une bonne idée de faire une césure dans un cursus d’ingénieur ? », je répondrai 100 fois « oui ! ». Que ce soit pour faire un stage, travailler ou même étudier dans une autre université, c’est toujours positif de prendre de l’expérience et de la maturité.
Dans un cursus preneur comme ceux de l’INSA, il est souvent difficile de réfléchir à nos choix de vie futurs en profondeur. Alors je dirais que l’année de césure aide à structurer et à éclaircir ce sujet-là que ce soit lors des démarches pour l’obtenir où tu dois définir ton projet et tes motivations ou encore pendant l’année en elle-même. Même si cette césure s’est imposée d’elle-même, je ressentais le besoin de découvrir encore de nouvelles choses avant de m’embarquer dans un stage de fin d’études puis dans la vie professionnelle. Le cursus de l’INSA ne comportant qu’un seul stage de six mois, il est difficile de se faire une réelle idée de ce qui nous attend. D’ailleurs, différents points sont en train d’être travaillés du côté de l’administration de l’INSA pour faciliter l’accès à la césure sous toutes ses formes. À ce propos, je souhaite remercier le département Génie civil et topographie qui a été un réel soutien tout au long de cette expérience. Et surtout, lancez-vous dans une année de césure !